Schéma de rédaction

Améliorer la rédaction de son manuscrit scientifique pour augmenter ses chances d’être publié

 

Trop souvent les manuscrits proposés aux revues scientifiques manquent de tous les éléments indispensables pour prétendre à être publiés sous la forme d’un article ayant bénéficié d’une relecture par les pairs. Tant d’énergie et de temps sont mobilisés en pure peine, voire en vain ! Il ne s’agit pas de s’épuiser dans cet exercice de rédaction mais davantage d’être efficace. Comment améliorer la situation et permettre aux auteurs d’augmenter leur chance d’être publié dans une revue scientifique académique telle que la revue Bois et Forêts des Tropiques ? Nous faisons le pari que la suite de ce propos aidera et guidera les auteurs pour leurs prochains projets de publication, au moins pour la revue Bois et Forêts des Tropiques et au mieux pour d’autres revues académiques.

La publication des résultats de recherche fait partie de la profession de la recherche scientifique. C’est par cette voie suivant le chemin d’une revue scientifique et sous la forme d’un manuscrit correctement rédigé que les nouvelles connaissances mises en évidence sont partagées avec les autres scientifiques. Quels sont les objectifs poursuivis en empruntant ce chemin ?  Avant tout, c’est enregistrer l’originalité émergeant des travaux de recherche : être le premier à découvrir la réponse à un problème qui restait sans solution et en apporter les preuves clairement argumentées et vérifiées par les condisciples. En outre, cela permet de partager avec les autres scientifiques des informations de confiance suivant la logique d’un questionnement, d’une problématique, d’une mise à l’épreuve d’hypothèses, reposant sur la conception d’un dispositif robuste accompagné d’analyses adéquates, précises et spécifiques, et d’interprétations clairement justifiées et mettant en perspectives les innovations dans un ensemble plus vaste. C’est aussi l’occasion de partager les détails d’une expérience qui pourra être reproduite par les pairs ou des scientifiques d’autres disciplines qui utiliseront le contenu dans leurs propres recherches ou leurs pratiques. Ce partage peut effectivement faciliter l’avancement des travaux d’autres scientifiques. Publier est le moment pour proposer une nouvelle idée robuste, une innovation, qui peut être réutilisée.

Les éditeurs scientifiques en association avec les relecteurs, les pairs, sont là pour consolider et vérifier que toutes les étapes ont été correctement menées. Ils garantissent la qualité des nouvelles informations contenues dans les articles. Ils garantissent également que tout est écrit et retranscrit correctement avant d’être partagé publiquement. Une grande partie de leur temps et de leur énergie est passée à vérifier dans le but de consolider les failles et aplanir les imperfections et rassurer les lecteurs. Tout cela dans l’intérêt des auteurs, de la revue, des lecteurs et de la discipline.

Pour atteindre la destination d’un article évalué par les pairs et publiés, quels points fondamentaux doivent être présents dans chacune des parties de l’article ? L’article est composé de plusieurs sections : le titre, le résumé, l’introduction, le matériel et les méthodes d’analyses et de mise à l’épreuve, les résultats, la discussion, les conclusions, et les références bibliographiques. Ces sections sont rédigées soigneusement et accompagnées de tableaux et figures construits rigoureusement et de légendes décrivant tous les détails et se focalisant sur le message essentiel à en retenir.

Le titre est la première chose lue par les lecteurs. Il est exposé dans de multiples endroits : sommaire, bases de données, listes de références bibliographiques, etc. L’enjeu est d’y mettre l’information essentielle émergeant de l’expérimentation pour être facilement repéré. Le titre doit précisément restituer la question recherchée, le résultat majeur (la réponse à la question), l’objet étudié et le terrain de l’étude. C’est la vitrine qui sera exposée qui dévoile déjà le contenu du manuscrit pour inciter le lecteur à le lire, car cela correspond à ses attentes.

Le résumé, deuxième élément de la vitrine d’exposition, est la section exposée sur le réseau Internet, dans les sites web des bases de données documentaires consultées par les scientifiques. Il apparaît essentiel de le soigner et d’y faire paraître toutes les informations qui inviteront le lecteur à choisir de lire l’article. Rédigé schématiquement avec des phrases courtes, il présente successivement le contexte, le problème, les méthodes, les résultats chiffrés et les conclusions. Les nombres obtenus y sont inclus. La rédaction est précise et spécifique. Il est accompagné de mots clés servant de balise de repérage dans les bases de données. Le résumé est à comprendre comme un mini article, un condensé de l’étude.

L’introduction est construite en plusieurs parties et repose sur la question de recherche, la problématique et l’hypothèse clairement présentée qui sera testée pendant l’étude. La narration se fait en entonnoir partant des informations les plus vastes pour cheminer vers le point de détail auquel s’attèle l’étude : l’hypothèse testée pour faire apparaître le résultat qui est recherché. Elle débute en présentant brièvement le contexte de l’étude. Ici pour la revue Bois et Forêts des Tropiques, revue internationale, il est essentiel de présenter le contexte international tropical ou méditerranéen auquel se réfère l’étude. Le terrain d’étude est présenté en s’incluant dans ce contexte international, comme un exemple particulier qui pourrait être transposable dans une autre situation que le pays où ont été menées les analyses. Les enjeux y sont présentés et les problèmes à résoudre y sont dévoilés. Le questionnement est clairement énoncé. Un état des connaissances acquises et des lacunes y sont déclarées. Quelques explications théoriques sont évoquées justifiant qu’il est nécessaire d’en connaître davantage. Et finalement, une hypothèse ou une prédiction est présentée explicitement.

Le matériel et les méthodes est la section qui expose ce qui a été fait, point par point, et avec quoi. C’est la recette de cuisine qui permettra à d’autres scientifiques de reproduire les manipulations qui ont été opérées dans l’étude. C’est aussi l’assurance qualité de l’étude. Elle présente en détail le terrain d’étude, le matériel ou la population étudiée, l’échantillon dimensionné avec méthode, le schéma expérimental et comment a été conçu tout le dispositif, les enquêtes, les variables prises en comptes pour opérer les analyses statistiques, toutes les formules utiles à la compréhension. Elle apporte la précision appliquée dans les mesures et ce qui est attendu pour rejeter l’hypothèse déclarée dans l’introduction.

La section résultat est celle qui informera le lecteur de façon structurée sur ce qui a été obtenu. Elle est structurée autour de chacun des résultats et est en général illustrée par des tableaux et des figures. Elle est centrée sur l’hypothèse. Elle décrit davantage que la taille des choses mesurées. C’est le moment de mettre en lumière ce qui est trouvé sans s’encombrer de détails, qui eux seront incorporés dans les tableaux avec toute la précision indispensable. Il ne faut pas manquer de présenter et de caractériser les résultats inattendus. Il est impératif d’y déclarer si l’hypothèse est rejetée ou acceptée, quelle est l’intensité de l’effet, si un motif apparaît et quelle confiance le lecteur peut avoir sur l’effet apparent. Il est nécessaire d’exprimer le degré de variation des données en précisant quelle valeur est exprimée, l’erreur standard, le coefficient de variation ou les quartiles et l’incertitude des paramètres avec l’intervalle de confiance, les seuils de significativité statistique.

La section discussion présente chacun des résultats, les faits sortis des expériences, en les repositionnant dans un ensemble plus grand qui est déjà connu (les travaux des autres), en éclairant sur ce qui est nouvellement et précisément apporté par l’étude et l’écart aux résultats de recherches d’autres qui serait apparu par comparaison, et en tentant de le transposer à d’autres contextes. Seuls deux à quatre points clés y sont discutés sans rentrer dans tous les détails de l’étude. Les auteurs y dressent les limites de leur étude. De chaque point discuté doit être tirés une ou des conclusions, en y expliquant pourquoi les différences existent et quels en sont les conséquences pratiques ou pour la suite des recherches menées par les auteurs ou potentiellement d’autres. La discussion est le cœur de l’article, c’est là que tout est mis en valeur, argumenté, et conduit à des conclusions et recommandations. Dans certains cas, les sections discussion et résultats gagnent à être fusionnées.

Dans la section conclusion, les auteurs y rappellent brièvement l’objectif de l’étude face au problème et à l’hypothèse qu’ils ont entrepris de tester. Ils y déclarent si l’hypothèse est acceptée ou rejetée, les résultats obtenus avec leurs incertitudes. Ils y déclinent les conséquences et les recommandations pratiques avec des perspectives de recherches complémentaires. C’est une forme de répétition de l’essentiel apportée par l’étude, afin d’être sûr que le message innovant décrit précédemment est bien reçu par le lecteur.

La dernière section est celle des références bibliographiques. C’est une liste de lectures essentielles qui a nourri toute la recherche mise en œuvre pour l’étude présentée dans le manuscrit. Cette liste de références contient tous les détails permettant de retrouver le document, l’article, le livre, les données publiés. Désormais, le détail va jusqu’au site web nichant l’information sur Internet en communicant l’adresse électronique ou mieux le numéro d’identifiant numérique, le DOI (Digital Object Identifier), numéro permanent de localisation de l’objet. Ces informations permettent aux rédacteurs, aux relecteurs, bref aux lecteurs de se documenter et de garantir la qualité de ce qui est dit et cité dans l’étude. Chaque référence est appelée dans le texte au fil de la narration à chaque point clé de l’argumentation, sans excès.

Toutes ces sections, mais particulièrement la section résultats, sont accompagnées de tableaux et de figures. Ils servent à illustrer et à exprimer des détails qui seraient fastidieux de rédiger sous forme de texte. C’est là que sont rappelés de nouveau les unités de mesure, les précisions, la signification des acronymes ou des abréviations y apparaissant. Pour les figures, tous les légendes doivent être présentes sans rien omettre (échelle, nom des axes, légendes des couleurs, les valeurs de précision…). En outre, tableaux et figures sont introduits par des légendes informant du contenu et de l’objectif de ces illustrations liées au texte, des détails utiles à la compréhension, et dont le message focalise sur l’information essentielle à en retenir après la lecture et l’analyse. Chacun d’eux est cité dans le texte sans en oublier et dans l’ordre successif à l’argumentation.

Ci-avant, ont été dressées les sections essentielles et leurs contenus attendus pour élaborer un manuscrit qui par chance deviendrait un article. D’autres informations doivent accompagner le manuscrit. Elles se retrouvent détaillées dans le guide de préparation de l’article proposée sur le site web de la revue. C’est un objet incontournable à consulter, tout comme la ligne éditoriale qui y trône. Une autre information essentielle à faire paraître est celle des auteurs, lesquels ont contribué à la rédaction et à différentes étapes de l’étude. Tous les auteurs apparaissant sont d’accords et se sont entendus pour écrire, retranscrire et corriger le manuscrit soumis à la revue, avant la relecture et après la relecture, jusqu’à la correction de l’épreuve d’impression. L’article reste une œuvre collective où chacun a sa responsabilité en jeu.

Un dernier point essentiel est le langage mis en phrases et tout l’appareillage disponible pour rédiger correctement dans la langue choisie. Il n’est pas toujours évident de rédiger dans sa propre langue tant l’exercice est délicat. Il est d’autant plus difficile lorsque l’on s’aventure dans une langue étrangère. On s’assurera donc à l’aide des co-auteurs, à l’équivalent de leur intervention sur le fond scientifique, des bonnes formulations et des constructions syntaxiques. Si besoin, il ne faut pas hésiter à se faire assister de professionnels de l’édition, de la correction et de la traduction.

Si tous les éléments précédemment listés se retrouvait dans un prochain manuscrit rédigé, il aurait davantage de chance de passer les barrières de la sélection de la revue, si pour autant l’étude présentée ne se cantonne pas à une étude descriptive ou une étude insuffisamment justifiée, décrite et argumentée. L’étude doit relever de ce questionnement logique qui amène de nouvelles connaissances par les preuves. La rédaction ne remplacera pas tout le travail amont préparatoire, pas davantage elle ne comblera les lacunes et les erreurs commises au long du chemin, mais elle révèlera justement tous les points bancals d’une étude mal conçue ou mal conduite. C’est dans cet optique que nous invitons tous les scientifiques chercheurs et auteurs à s’exercer à la rédaction dès le début des opérations, en s’appuyant sur ces éléments précédemment écrits et les quelques lectures suggérées ci-après.

 

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