Génomique écologique de l’exploitation de niche et de la performance individuelle chez les arbres forestiers tropicaux

Auteurs

CIRAD, UPR Forêts et Sociétés, F-34398 Montpellier, France. Forêts et Sociétés, Université de Montpellier, CIRAD, Montpellier, France.

DOI :

https://doi.org/10.19182/bft2024.360.a37566

Résumé

Partiellement inexpliquée et aux origines encore en débat, les forêts tropicales abritent la plus grande diversité d'espèces au monde. Même à l'échelle de l'hectare, elles abritent des genres diversifiés, avec des espèces d’arbres étroitement apparentées coexistant en sympatrie. En raison de contraintes phylogénétiques, on s'attend à ce que ces espèces possèdent des niches et des stratégies fonctionnelles similaires, ce qui interroge les mécanismes de leur coexistence locale. Ces espèces formeraient un complexe d'espèces, composé d’espèces morphologiquement similaires ou qui partagent une importante proportion de leur variabilité génétique en raison d'une ascendance commune récente ou d'hybridation, et qui résulterait d'une radiation écologique adaptative des espèces selon des gradients environnementaux. Malgré le rôle clé des complexes d'espèces dans l'écologie, la diversification et l'évolution des forêts néotropicales, les forces éco-évolutives à l’origine de leur diversité restent méconnues. Nous avons exploré la variabilité génétique intraspécifique, et mesuré son rôle sur la performance individuelle des arbres à travers leur croissance, tout en tenant compte des effets d'un environnement finement caractérisé aux niveaux abiotique et biotique. En combinant inventaires forestiers, topographie, traits fonctionnels foliaires, et des données de capture de gènes dans le dispositif de recherche permanent de Paracou, en Guyane française, nous avons utilisé la génomique des populations, les analyses d'associations environnementales et génomiques, et la modélisation bayésienne sur les complexes d'espèces Symphonia et Eschweilera. Nous avons montré que les complexes d'espèces d'arbres couvrent l’ensemble des gradients locaux de topographie et de compétition présents dans le site d'étude alors que la plupart des espèces qui les composent présentent une différenciation de niche marquée le long de ces mêmes gradients. Plus précisément, dans ces complexes d'espèces, la diminution de la disponibilité en eau, le long de la topo séquence, a entraîné une modification des traits fonctionnels foliaires, depuis des stratégies d'acquisition à des stratégies conservatrices, tant entre les espèces qu'au sein de celles-ci. Les espèces de Symphonia sont génétiquement adaptées à la distribution de l'eau et des nutriments, coexistant localement en exploitant un large gradient d'habitats locaux. Inversement, les espèces d'Eschweilera sont différentiellement adaptées à la chimie du sol et évitent les habitats les plus humides et hydromorphes. Enfin, les génotypes individuels des espèces de Symphonia sont différentiellement adaptés pour se régénérer et croître en réponse à la fine dynamique spatio-temporelle des trouées forestières, avec des stratégies adaptatives de croissance divergentes le long des niches de succession. Par conséquent, la topographie et la dynamique des trouées forestières entraînent des adaptations spatio-temporelles à fine échelle des individus au sein et entre les espèces des complexes d'espèces Symphonia et Eschweilera. Ainsi, nous suggérons que les adaptations à la topographie et à la dynamique des trouées forestières pourraient favoriser la coexistence des individus au sein et entre les espèces d'arbres de forêts matures, appuyant le rôle primordial des individus au sein des espèces dans la diversité des forêts tropicales.

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Références

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Figure 1. Adaptations micro géographiques entre espèces sympatriques au sein d’un complexe d’espèces. Différentes espèces génétiques G se développent en sympatrie dans des habitats spécifiques E le long d’un gradient environnemental. L’interaction entre l’environnement local Ei et le génotype Gi aboutit au phénotype Pi. Le phénotype Pi rétroagit sur son environnement local par le biais d’interactions biotiques. Les variations temporelles de l’environnement influencent le phénotype du génotype établi. Figure 1. Microgeographic adaptations between sympatric species within a species complex. Different genetic species G develop in sympatry in specific habitats E along an environmental gradient. The interaction between the local environment Ei and the genotype Gi results in the phenotype Pi. The Pi phenotype retroacts on its local environment through biotic interactions. Temporal variations in the environment influence the phenotype of the established genotype. Figura 1. Adaptaciones microgeográficas entre especies simpátricas en el seno de un complejo de especies. Diferentes especies genéticas G se desarrollan en simpatría en los hábitats específicos E a lo largo de un gradiente medioambiental. La interacción entre el medio ambiente local Ei y el genotipo Gi genera el fenotipo Pi. El fenotipo Pi retroactúa sobre su medio ambiente local por medio de interacciones bióticas. Las variaciones temporales del medio ambiente influyen en el fenotipo del genotipo establecido.

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Reçu

2024-10-08

Publié

2024-06-01

Comment citer

SCHMITT, S. (2024). Génomique écologique de l’exploitation de niche et de la performance individuelle chez les arbres forestiers tropicaux. BOIS & FORETS DES TROPIQUES, 360, 87–88. https://doi.org/10.19182/bft2024.360.a37566