Les mécanismes biochimiques développés par les "Pseudomonas" fluorescents dans la lutte biologique contre les maladies des plantes transmises par le sol

Auteurs

    Philippe Jacques
    Philippe Delfosse
    Marc Ongena
    Philippe Lepoivre
    Pierre Cornélis
    Nico Koedam
    Louis Neirinckx
    Philippe Thonart

Résumé

Les Pseudomonas fluorescents ont été étudiés comme agents potentiels de lutte biologique contre des maladies aussi diverses que le piétin échaudage, les fontes de semis, les pourritures de racines et les fusarioses. Cet article propose une synthèse sur les différents mécanismes évoqués pour rendre compte des propriétés antagonistes de ces Pseudomonas dans le sol. Ces bactéries doivent avant tout coloniser la rhizosphère concernée. Cette colonisation implique un chimiotactisme envers les exsudats racinaires, une adsorption des micro-organismes sur les racines, et enfin une compétition pour les substrats nutritifs présents. Cette seule colonisation peut entraîner une occupation de sites suffisante pour empêcher la croissance d'autres micro-organismes, dont les pathogènes. Les Pseudomonas sont également en mesure d'excréter des molécules qui inhibent la croissance des phytopathogènes. Les substances les plus étudiées sont, d'une part, les antibiotiques tels que la pyrrolnitrine, la pyolutéorine, les dérivés de la phénazine, le diacétylphloroglucinol ou l'oomycine A et, d'autre part, les sidérophores, molécules chélatrices du fer servant de transporteurs de l'ion ferrique à l'intérieur de la cellule microbienne. La production de ces sidérophores dans des conditions de carence en fer pourrait rendre l'ion ferrique inaccessible aux autres micro-organismes. D'autres métabolites produits par les Pseudomonas fluorescents peuvent également interférer avec la croissance des phytopathogènes ; il s'agit d'enzymes mycolytiques, de l'acide cyanhydrique ou de l'ammoniaque. Enfin, les Pseudomonas fluorescents peuvent augmenter la résistance des cellules de la plante aux attaques des micro-organismes, soit en augmentant la disponibilité de certains ions, tel le manganèse, soit encore en stimulant la production par la plante de phytoalexines toxiques vis-à-vis du pathogène. Cependant, aucun des mécanismes évoqués ne rend compte à lui seul de la protection exercée par les Pseudomonas fluorescents dans le sol. Ce constat ne nie pas les potentialités d'utilisation de ces souches en tant que biopesticides, mais rend très complexe la phase de sélection de l'agent de lutte biologique par la seule mise en oeuvre, par exemple, de tests d'antibiose in vitro. Afin de mieux maîtriser la complexité de ces interactions, il faut développer des études permettant, d'une part, de mesurer, dans un même système plante/micro-organisme, l'importance de chacun de ces mécanismes et, d'autre part, d'analyser le comportement d'une souche donnée dans différentes rhizosphères. Ces travaux permettront de relier des ensembles de mécanismes (colonisation, antibiose, sidérophore) dont l'intégration pourrait améliorer l'efficacité des agents de lutte biologique : c'est là le pari d'une approche plus synthétique du problème de la lutte biologique à l'aide de Pseudomonas.

Affiliations

Centre wallon de biologie industrielle, Université de Liège, Bât. 40, B-4000 Liège, Belgique, Unité de phytopathologie, Faculté des Sciences agronomiques, B-5030 Gembloux, Laboratorium Algemene Biologie, Vrije Universiteit Brussel, B-1640 St Genesius-Rode, L. Neirinckx, Laboratorium Plantenfysiologie, Belgique.

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Publié

1993-09-01

Comment citer

Jacques, P., Delfosse, P., Ongena, M., Lepoivre, P., Cornélis, P., Koedam, N., Neirinckx, L., & Thonart, P. (1993). Les mécanismes biochimiques développés par les "Pseudomonas" fluorescents dans la lutte biologique contre les maladies des plantes transmises par le sol. Cahiers Agricultures, 2(5), 301–307 (1). Consulté à l’adresse https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/29802

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