Productivité agricole et niveau de vie des agriculteurs dans une économie industrialisée : le cas du Québec

Auteurs

    Jean-Pierre Wampach

Résumé

Dans une économie industrialisée, le secteur agricole n'occupe plus qu'une place modeste. Il en résulte pour la population en général que : - le coût de l'alimentation n'est plus principalement un coût agricole mais un coût de fournitures industrielles, de transport, de transformation et de distribution ; - l'amélioration de la productivité agricole ne contribue plus que faiblement à l'augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs. La productivité du travail agricole continue cependant d'être un facteur important du niveau de vie moyen des agriculteurs. L'agriculture québécoise est entrée, il y a environ un demi-siècle, dans une période de gains soutenus de la productivité du travail qui n'ont toutefois pas été suivis d'une amélioration comparable du pouvoir d'achat des agriculteurs. Cette évolution a été déterminée par des facteurs immédiats tant du côté de la productivité que des revenus et par des causes plus lointaines qui tiennent à l'insertion de l'agriculture dans un système économique national, international et mondial. Parmi ces causes, la croissance de la productivité du travail est bien, en longue période, une condition nécessaire de l'amélioration du niveau de vie des agriculteurs. Toutefois, les ponctions de pouvoir d'achat que la détérioration cyclique des termes de l'échange exerce sur le revenu annulent dans une mesure non négligeable l'effet positif de la productivité ; elles font aussi comprendre pourquoi les agriculteurs estiment ne pas participer pleinement aux fruits de la croissance économique et pourquoi les transferts de l'État sont nécessaires au maintien du niveau de leur revenu. La relation productivité-niveau de vie est, par ailleurs, indissociable de l'environnement complexe dans lequel évolue l'agriculture : système techno-scientifique, système de formation-vulgarisation, croissance économique générale, marchés mondiaux des produits agricoles, valeurs sociales, conditions écologiques et politiques. Les contradictions économiques, écologiques et sociales dans lesquelles se débattent aujourd'hui les économies industrialisées remettent en question des principes et des pratiques agronomiques et économiques bien établis, posant ainsi un défi aux éducateurs, aux scientifiques, aux décideurs et au public en général. Les agriculteurs québécois, en collaboration avec les pouvoirs publics, ont assuré une régulation du partage des gains de productivité qui a contribué à mieux répartir le travail et les revenus entre un plus grand nombre d'agriculteurs que dans un système de marché pur. Cette régulation peut servir de point de repère pour une redéfinition des finalités du développement et des règles de fonctionnement des économies industrialisées, où le chômage a atteint des niveaux socialement insupportables.

Affiliations

Département d'économie rurale, Faculté des Sciences de l'agriculture et de l'alimentation, Université Laval, Québec, Canada.

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Publié

1993-07-01

Comment citer

Wampach, J.-P. (1993). Productivité agricole et niveau de vie des agriculteurs dans une économie industrialisée : le cas du Québec. Cahiers Agricultures, 2(4), 233–244 (1). Consulté à l’adresse https://revues.cirad.fr/index.php/cahiers-agricultures/article/view/29793

Numéro

Rubrique

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